J’ai eu la chance d’être invité, en juin dernier, par l’équipe Lean de l’entreprise Arc pour visiter son site de production à Arques (Pas-de-Calais, Haut-de-France). C’était l’occasion pour moi de découvrir une ligne de production, mais également de comprendre comment Arc sensibilise à la résolution de problème avec la neuropédagogie intégrée dans son serious game maison.

Quelques photos de la journée – Source : Vincent Gilot / Arc

Je ne vais pas décrire toute la journée, mais principalement ce que nous avons vécu lors de notre participation au serious game.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je tiens à remercier toutes les personnes que nous avons rencontrées sur le site et surtout l’équipe Lean : Adrien Bergerard, Vincent Gilot, Florent Demassieux. Sans oublier Michel Rusch pour l’introduction, les explications ains que les échanges en parallèle.

Introduction

J’ai certains à priori quand on me parle de serious game, voire de neuropédagogie, car il y a beaucoup de jeux qui n’ont que peu de valeur (ou qu’une partie de celle-ci) et / ou quasi aucun lien avec les principes de la pédagogie et les neurosciences. Ce n’est pas parce qu’un serious game est un jeu qu’il est neuropédagogique ; c’est une idée fausse.

La neuropédagogie s’appuie sur les nouvelles compréhensions du fonctionnement du cerveau tels que l’attention et les principes de singularisation (Jean-Philippe Lachaux), l’apprentissage et la mémorisation avec effet durable ou non (Stanislas Dehaene, Steve Masson), sans oublier la réutilisation de l’information stockée dans nos mémoires. Je vous renvoie à l’article Comprendre le cerveau pour aider à apprendre pour plus de détails et de référence.

Connaissant l’intérêt de Vincent Gilot pour l’apprentissage et les effets des neurosciences / sciences cognitives sur celui-ci, j’ai accepté sans hésitation sa proposition de venir découvrir ce jeu patiemment pensé par Florent Demassieux.

But du serious game

Le but de ce serious game est de démystifier la résolution de problème (au sens Lean), de permettre aux équipes de comprendre ce que c’est et comment se structurent les différentes étapes. Mais également d’ancrer l’apprentissage grâce à l’approche neuro pédagogique.

Au-delà de comprendre, c’est leur donner les moyens de mettre en oeuvre progressivement la résolution de problème sur leur chaîne de travail.

Quelques photos de l’atelier sur la ligne école – Source : Arc

Environnement

Comme le montrent les photos, le jeux se déroule sur une ligne école dédiée à l’apprentissage. Cette ligne ne comprend certes pas le four ni le verre en fusion, mais la plupart des postes de travail y sont présents. Des objets du quotidien des équipes y sont dispersés.

Sans y être totalement, pour des problèmes de sécurité notamment, l’environnement est au plus proche de la réalité. Nous portons les chaussures de sécurité, les lunettes ad-hoc et l’environnement est bruyant (moins que sur une chaîne, mais le fond sonore est présent).

Cela rentre dans les principes de l’apprentissage tel que l’expliquent les neurosciences : notre cerveau mémorise l’environnement (lumière, température, bruit, personnes…) dans lequel il apprend pour créer de multiples chemins neuronaux vers l’information qu’il stocke.

C’est ce qu’on appelle le modèle de Hebb : les neurones qui s’activent ensemble se connectent ensemble pour renforcer leur connexion. C’est ce renforcement qui augmente la probabilité que ces neurones s’activent de nouveau ensemble.

Ainsi, si l’on parle de 5S à une des personnes qui a suivi cet atelier, son cerveau accèdera aux informations liées aux 5S potentiellement par l’intermédiaire de neurones de contexte ayant stocké, par exemple, l’odeur de l’environnement. C’est autant de chemins pour accéder à l’information.

Attkinson / Shiffrin ont mis en évidence la présence d’un registre de l’information sensorielle (RIS) au début du processus de mémorisation. L’information passe obligatoirement par le RIS pendant quelques dixièmes de secondes avant d’être traitée.

Je vous renvoie sur l’article Formation : la maîtrise du geste pour réduire la charge mentale pour comprendre l’intérêt de la formation au poste de travail.

Fond

L’atelier met progressivement et parfaitement en évidence les principes de la résolution de problème, que ce soit la définition du problème ou encore la recherche des causes racines sur la base d’hypothèses à confronter. Deux sujets souvent mal abordés (et mal compris).

Forme

Le jeu est constitué de plusieurs boîtes numérotées et la dernière est fermée par un cadenas. Les différentes étapes permettent aux participants d’accéder à ces boîtes qui contiennent des éléments pour avancer dans le jeu.

On y trouve différentes formes d’énigmes à résoudre, certaines plus faciles que d’autres.

Complexité / curiosité

L’atelier est suffisamment complexe pour déclencher la curiosité sans laquelle il n’y a pas vraiment d’apprentissage. Trop complexe, un jeu peut déclencher un stress négatif amenant à un refus de s’engager. Un jeu trop simple peut être pris à la légère et ne pas activer de manière optimale le processus d’apprentissage.

Selon S. Dehaene, Y. Le Gun, J. Girardon, (La plus belle histoire de l’intelligence, Robert Laffont, 2018), la curiosité est « l’envie d’explorer des choses inconnues. Elle est liée à un circuit émotionnel, le circuit de la dopamine, qui nous récompense à chaque fois que nous apprenons quelque chose de nouveau. »

Attention

D’une durée de 2 heures, cet atelier captive l’attention (au sens de Lachaux) de manière durable (concentration). Dans notre cas, c’est plus les participants qui « dégradent » celle-ci au travers de blagues ou taquineries, ce qui, d’un autre côté, renforce la cohésion de chaque équipe.

Mémorisation

Le jeu force ce que Masson appelle la récupération en mémoire, c’est-à-dire la réactivation des connaissances acquises. Certes, nous sommes sur un format de 2 heures, mais ces réactivations renforcent quand même l’information stockées dans notre mémoire.

À compléter avec des réactivations régulières sur le terrain.

Pour faire simple, la récupération (ou réactivation) permet de transférer les informations présentes dans la mémoire à long terme vers la mémoire à court terme pour être utilisées. Ces informations passent d’un état inactif (ou état stable) à un état actif (ou état instable).

Pour remettre la trace mnésique dans un état stable, s’en suivra alors une reconsolidation qui enrichira (ou non s’il n’y a pas de modification) les informations stockées de nouveau dans la mémoire à long terme.

Ce principe obéit à loi de Ribot qui soutient que les souvenirs les plus anciens sont les moins susceptibles d’évoluer.

Inhibition / biais

La construction de ce jeu a dû être longue, car, comme sur le terrain, il nous amène à prendre les mêmes raccourcis (système 1 de Kahneman). Une fois piégés, nous devons ralentir pour désactiver (inhiber selon Houdé) notre système 1 et favoriser le système 2.

Je vous renvoie sur l’article Les actions cognitives stratégiques dans la résolution de problème pour comprendre les différents niveaux d’actions cognitives.

Circuit de la récompense

La résolution des différentes énigmes, l’ouverture d’une nouvelle boîte, et notamment la dernière avec son cadenas, déclenchent irrémédiablement le circuit de la récompense qui se matérialise par une libération de dopamine.

Nous savons que celle-ci entre dans le processus d’apprentissage comme nous l’écrivions au paragraphe dédié à la curiosité.

La remise des diplômes, qui peut être vue comme accessoire, est un déclencheur du circuit de la récompense, mais également de libération de sérotonine liée à l’ego.

Conclusion

Je ne vais pas détailler l’ensemble des points que j’ai pu observer, ce serait trop long. Par contre, je peux dire que j’ai pris beaucoup de plaisir à pratiquer ce serious game alors que je connais bien la résolution de problème.

Pour ne pas perdre les bénéfices apportés par ce jeu, il conviendra, comme déjà évoqué plus haut, de pratiquer sur le terrain pour faire des réactivations régulières et améliorer encore les connaissances des pratiquants.

Une nouvelle fois, félicitations à Florent Demassieux pour la création de ce jeu.

En tant que co-animateur du Lean Tour Lille 2023 en novembre, j’espère que nous aurons le sujet Arc sensibilise à la résolution de problème avec la neuropédagogie présenté par Florent et Vincent !

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