Depuis plusieurs semaines, je vis des moments difficiles (pour les nommer clairement : burn-out, anhédonie, labilité émotionnelle). Après avoir réussi à ouvrir le parachute pour réduire la vitesse de descente et éviter la chute libre jusqu’au sol, le repos physique et cognitif me permet de commencer doucement à réfléchir au sens et aux valeurs que je veux porter à l’avenir, d’où cet article Primum non nocere, pour un vrai respect des personnes.

Préambule

Je tiens tout d’abord à préciser que je ne tiens rigueur à personne de ce qui m’arrive.

Ça ne me fait pas plaisir, ni à ma famille, c’est certain. Se voir maigrir, c’est bien dans certains cas, mais pas quand on n’a pas faim plusieurs jours consécutifs. C’est douloureux psychologiquement d’être apathique et de ne plus profiter de ses passions. La pente sera longue à remonter (sans brûler les étapes), mais il n’est pas question de faire comme Icare !

J’en profite également pour présenter mes sincères excuses à celles et ceux qui ont pu se sentir blessés par certains de mes propos au moment où mes homéostasies volaient en éclats tels des shrapnels.

Ma quête

Le bien-être des personnes au travail est depuis bien longtemps le sens premier de mon travail. Début des années 2000, j’ai été élu au CHSCT. Je n’ai pas poursuivi après un mandat, car je trouvais ces instances peu efficaces.

En 2003, j’ai plongé dans l’ISO 9001, SW-CMM, CMMi et autres référentiels méthodologiques IT avec le même but : aider mes collègues à mieux vivre leurs journées de travail. Mais tout cela était encore trop top-down et décorrélé du terrain (le Gemba, en Lean).

C’est au travers du vrai Lean Management, découvert en 2013 après un fake Lean, que j’ai pu réellement aider les personnes à retrouver du sens au travail et à mieux vivre leurs journées en satisfaisant toujours plus leurs clients.

Le respect des personnes / respect de l’humanité est tellement présent dans le Toyota Production System (et notamment dans le pilier Jidoka) qu’il ne faut pas passer à côté, même si c’est difficile à traduire sur le terrain. Je vous renvoie à la lecture de Comment Toyota définissait le respect des personnes / humanité en 1977.

Qu’est-ce que Primum non nocere ?

Primum non nocere est « tirée » du Serment d’Hippocrate (texte fondateur de la déontologie médicale), même si l’origine de cette locution est incertaine. Elle se traduit par En premier, ne pas nuire.

C’est en lisant Du sens à l’ouvrage — Comprendre les nouvelles aspirations dans le travail de Jean-Baptiste Barfety (Projet Sens, Juin 2023) que je suis tombé sur cette locution latine.

Pourquoi Primum non nocere ?

Pas question pour moi de mettre un terme à ma quête, sinon ma vie professionnelle n’aurait plus de sens. Et cela aurait un impact sur ma vie personnelle.

J’explique, certes un peu rapidement, dans les paragraphes suivants, les raisons pour lesquelles je fais de Primum non nocere mon nouveau mantra.

Le respect des personnes, un enjeu mal géré

Au regard des statistiques (lire paragraphe Qualité de Vie et des Conditions de Travail) de l’INSEE, de l’Anact et d’autres relatives aux accidents du travail (mortels ou non), à ce qu’on appelle « la grande démission », aux nouvelles attentes des jeunes (et des moins jeunes), le tout dans un contexte macro-économique plus que tendu, je pense que les notions de QVT, de bienveillance et de RSE sont aujourd’hui la cinquième roue du carrosse pour plus de 99 % des entreprises.

Un peu comme la qualité, le bien-être des salariés est souvent mis en avant comme un élément publicitaire de la marque employeur.

Certes, il y a des enquêtes de satisfaction des collaborateurs. Certes, il y a des actions (plus sur l’environnement de travail que sur le fond) issues de celles-ci. Certes, il y a des indicateurs d’accident du travail… mais pour autant, cherchent-elles vraiment pro-activement à ne pas nuire à leurs salariés ?

On se rappelle qu’en 2019, il y a eu, en France, 3,5 décès suite à accident du travail pour 100 000 travailleurs et 3 000 accidents du travail pour 100 000 travailleurs.

Quant aux burn-out, il semble difficile d’avoir des chiffres précis. Différentes études / sondages existent mais avec des résultats assez divergents. Je préfère ne pas les évoquer.

Un livre révélateur sur le respect

Comment se faire des amis – L’art de réussir dans la vie de Dale Carnegie écrit en 1936 est par son contenu très moderne. Nous avons oublié les bases des relations humaines et lire les principes édictés par l’auteur remet l’église au milieu du village : l’humain et ses relations avec les autres !

« La critique est vaine parce qu’elle met l’individu sur sa défensive et le pousse à se justifier. La critique est dangereuse parce qu’elle blesse l’amour-propre et qu’elle provoque la rancune»

Ou encore :

« Et, pour vous en faire des amis, il s’agit non pas de les flatter, certes, mais de leur redonner le sentiment de leur importance, de leur manifester ce respect humain auquel tout homme a droit, si humble soit sa condition. »

Préface d’Armand Pierhal

Un engagement

Dans le cadre de mes formations en neurosciences et sciences cognitives dans la prise de décision avec Brain Modus Operandi, nous prenons un engagement en tant que praticien :

Acquérir une approche systémique propre à BMO, dynamique et progressive, qui permet à chaque Praticien BMO de niveau 3, individuellement et collectivement, de transformer à la fois l’homme et la société dans le respect des autres et de soi-même.

Source : Brain Modus Operandi (BMO)

Respecter les autres, c’est normal pour un coach digne de ce nom. Le respect de soi-même est un peu une nouveauté pour moi. Et pourtant, c’est d’une logique implacable ! Il s’agit ici de se connaître parfaitement et d’être en maîtrise de soi (ou comment j’aurais pu limiter mon burn-out). Ça s’apprend.

En tant que coach, il nous est impossible d’accompagner correctement des personnes si nous ne sommes pas sereins physiquement et mentalement. Comment être en écoute active, choisir les bonnes questions, aider la personne dans ses réflexions si notre attention (au sens de Jean-Philippe Lachaux) se porte d’abord sur nos problèmes ? C’est un manque de respect pour la personne que nous accompagnons.

Conclusion

Les 3 éléments cités ci-dessus tendent à confirmer que ma quête est non seulement toujours présente, mais qu’elle devient encore plus prégnante.

J’ose imaginer voir un jour une entreprise prouver, par l’exemple et par les chiffres, qu’En premier, elle ne nuit pas à ses salariés, à ses clients, à la société, à l’environnement. Cela rappelle étrangement le respect des personnes / humanité de Toyota.

Je crois qu’aujourd’hui, une entreprise qui poserait dans sa vision Primum non nocere et qui la pratiquerait au quotidien aurait une vraie éthique et vertu, c’est-à-dire une disposition à faire le bien / à accomplir certains actes moraux par un effort de volonté.

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