Lire Apprendre à apprendre avec le Lean est un passage obligé car Michael Ballé, Jacques Chaize, Régis Medina et Anne-Lize Seltzer (Eyrolles, 2021) ont matérialisé au travers de ce livre non pas les bases du Lean (qui soutiennent les piliers du TPS), mais les fondations invisibles qui permettent à l’entreprise Toyota de perdurer et de s’améliorer depuis soixante-dix ans.
Apprendre à apprendre avec le Lean qui se veut peu verbeux sur les techniques Lean est probablement LE livre à lire avant ceux qui expliquent en long et en large les principes, techniques et outils du Toyota Production System.
Apprendre avec le Lean, une stratégie d’entreprise
Nous savons déjà que le Lean se doit d’être une stratégie d’entreprise pour réussir. De nombreux livres nous l’expliquent, comme Le virage Lean (lire Pourquoi lire Le Virage Lean de Art Byrne ?). Ce que l’on perçoit moins, c’est que cette stratégie est en réalité une stratégie d’apprentissage.
Le but du Lean n’est pas de dire aux gens quoi penser, mais de leur apprendre comment penser par eux-mêmes. Le but d’une stratégie Lean n’est pas de toujours prendre la décision optimale mais de construire les capacités pour prendre de meilleures décisions en développant plus d’options. »
Source : Apprendre à apprendre avec le Lean, M. Ballé, J. Chaize, R. Medina, A.-L. Seltzer, Eyrolles, 2021
La confiance mutuelle
Combien de fois avons-nous vu des injonctions venant d’une direction ayant décidé que l’Agile ou le Lean (ou que sais-je encore) devait être pratiqué par l’ensemble des équipes sans pour autant leur donner les moyens pour y arriver ? À ce titre, lire Lean et Agile ne se décrètent pas !
Combien d’équipes s’épuisent à tenter de respecter des jalons de livraison alors qu’en même temps le management leur demande d’être dans une démarche d’amélioration continue sans leur accorder le droit d’institutionnaliser ces moments pour s’arrêter et réfléchir.
Ce type de comportement est un des meilleurs moyens pour détruire la confiance entre les salariés et le management de l’entreprise. Pourtant, cette confiance mutuelle est un facteur-clé dans la réussite de chacun et de l’entreprise.
L’apprentissage se produit quand le sens proposé rejoint le sens pour la personne. La confiance déclenche l’apprentissage ; l’apprentissage renforce la confiance. »
Source : Apprendre à apprendre avec le Lean, M. Ballé, J. Chaize, R. Medina, A.-L. Seltzer, Eyrolles, 2021
Ce qui rejoint les propos des auteurs du livre Les nouveaux chemins de la mémoire :
De la même façon, d’autres facteurs tels que la motivation, l’intérêt, la confiance en soi ont des conséquences significatives sur les apprentissages, car ils affectent directement l’attention, la mémoire de travail, la mémoire épisodique, la métacognition. »
Source : Les nouveaux chemins de la mémoire, B. Desgranges, F. Eustache, Le Pommier, 2020
Le raisonnement apprenant
Aller vers le raisonnement apprenant, c’est se forcer à sortir de notre cerveau dit rapide et des pensées automatiques. C’est-à-dire celles s’appuyant sur nos croyances fondamentales, nos habitudes et attitudes stéréotypées. Comme l’écrivent les auteurs, le seul antidote à la pensée automatique est le questionnement.
Le raisonnement apprenant, implique de chercher les problèmes au lieu de les cacher sous le tapis, de se confronter à la partie des problèmes qu’on ne sait pas résoudre, d’obtenir la coordination et la collaboration des autres sur la façon d’aborder la question et enfin de co-construire à partir des initiatives des uns et des autres, avec la perte de contrôle que cela implique. »
Source : Apprendre à apprendre avec le Lean, M. Ballé, J. Chaize, R. Medina, A.-L. Seltzer, Eyrolles, 2021
Mais sans curiosité, point de déclenchement de l’apprentissage :
Face à un problème, le cerveau tente tout d’abord d’éviter de réfléchir soit en ignorant la question soit en répondant par une idée reçue. Mais si notre curiosité est éveillée, nous commençons à nous intéresser au problème et à réfléchir plus profondément. »
Source : Apprendre à apprendre avec le Lean, M. Ballé, J. Chaize, R. Medina, A.-L. Seltzer, Eyrolles, 2021
C’est exactement ce que nous apprennent les neurosciences :
La curiosité se déclencherait chaque fois que notre cerveau détecte un décalage ce que nous connaissons déjà et ce que nous pourrions savoir – une zone d’apprentissage potentiel. »
Source : Apprendre !, Stanislas Dehaene, Odile Jacob, 2018
Pour en savoir plus sur le fonctionnement de notre cerveau pendant l’apprentissage et comment améliorer notre capacité à apprendre, retenir durablement et restituer les connaissances, je vous invite à lire Comprendre le cerveau pour aider à apprendre.
Apprendre avec le Lean pour minimiser ses erreurs
Il est préférable d’admettre que l’on ne sait pas (oui, c’est parfois difficile, voire douloureux) plutôt que de s’obstiner à suivre ce que l’on croit connaitre. Agir ainsi, c’est s’offrir l’opportunité d’avoir une zone de confort toujours un peu plus grande.
Se confronter à ses incompétences et se lancer dans l’apprentissage a pour résultat d’agrandir notre zone de confort. À l’inverse, se lancer dans l’action en pensant que ce que l’on a déjà expérimenté suffit à traiter le problème risque de nous amener à ne jamais le résoudre, voire à le faire empirer. »
Source : Apprendre à apprendre avec le Lean, M. Ballé, J. Chaize, R. Medina, A.-L. Seltzer, Eyrolles, 2021
Stanislas Dehaene, Apprendre ! (Odile Jacob, 2018), a écrit cette phrase, « Apprendre, c’est minimiser ses erreurs. ». C’est exactement ce que vise le Lean en développant l’apprentissage.
Le chercheur applique une logique simple : j’énonce plusieurs théories, je déroule l’écheveau de leurs prédictions, et j’élimine celles dont les prédictions sont invalidées par l’expérience. »
Source : Apprendre !, Stanislas Dehaene, Odile Jacob, 2018
Ce qui est surprenant, quand on s’y intéresse quelque peu, c’est que notre cerveau fonctionne de la même manière
Cela peut sembler paradoxale, mais l’apprentissage consiste, en partie, à éliminer les synapses, voire des neurones tout entier [qui meurent ou ne sont plus utilisés]. »
Source : La plus belle histoire de l’intelligence, S. Dehaene, Y. Le Gun, J. Girardon, Robert Laffont, 2018
Conclusion
En guise de conclusion, j’utiliserai des propos de Gaston Bachelard, qui peuvent s’appliquer dans nombre de situations, et notamment en entreprise.
J’ai souvent été frappé du fait que les professeurs de sciences, plus encore que les autres, ne comprennent pas qu’on ne comprenne pas. Peu nombreux sont ceux qui ont creusé la psychologie de l’erreur, de l’ignorance et de l’irréflexion. »
Source : La Formation de l’esprit scientifique, Gaston Bachelard, 1938
Au lieu de faire ingurgiter formation théorique après formation théorique aux équipes et de les contraindre à réaliser des projets à toute vitesse, il est préférable de leur donner le temps de s’arrêter pour comprendre ce qu’elles ont pu produire (satisfaction des clients, bien-être des personnes, qualité, vitesse) versus ce qu’elles auraient dû produire pour ensuite tester des solutions qui vont les amener sur le chemin de l’apprentissage et de la réussite. Sans oublier que
Le premier pas est toujours de résoudre les problèmes liés à la continuité de la satisfaction client et des employés dans l’organisation actuelle en sollicitant les intuitions, en suscitant des initiatives de la part des employés et en menant un changement à la fois. »
Source : Apprendre à apprendre avec le Lean, M. Ballé, J. Chaize, R. Medina, A.-L. Seltzer, Eyrolles, 2021
Je vous conseille vivement de lire Apprendre à apprendre avec le Lean si vous souhaitez vraiment pratiquer / devenir Lean. Bonne lecture !
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