Je lisais dernièrement un article intitulé Devrais-je lire les livres sur le Lean ? (accès à l’article en cliquant sur le titre) et certains éléments de réponse m’ont interpelé ; probablement, car je me suis posé la même question il y a quelques années.

Mes premières rencontres avec le Lean datent d’une période où je travaillais comme responsable méthodes et qualité au sein d’une ESN. J’ai suivi, avec un collègue, une formation (en dehors de ces fameuses / fumeuses académies internes) Black Belt Lean dans les services (bien que travaillant dans l’IT) qui nous a pas mal questionnés, et en cela la formation avait atteint son objectif. Plus difficile a été la mise en oeuvre. Par quoi devions-nous commencer ? Comment embarquer les équipes, mais également les responsables ? Nous étions à ce moment-là en pleine déferlante de vagues de (fake) Lean qui s’écrasaient avec force (et parfois avec fracas) sur les récifs. Un de nos choix a donc été de ne pas faire comme ces équipes internes et de nous concentrer sur le people first. J’ai oublié de préciser que ce (fake) Lean que nous refusions (à juste titre) ne visait qu’un but : réduire le nombre de personnes dans les équipes par la recherche de gaspillages (les poussières qu’on a dans le nombril) sans se préoccuper des attentes des clients (on peut très sincèrement douter de la compréhension du Lean) et en imposant (taylorisme, quand tu nous tiens) des bonnes pratiques vues ailleurs et considérées par un groupe de personnes autorisées comme pouvant être répliquées presque partout (une forme de CMMI ; et encore…). J’explique aujourd’hui que mon premier contact avec le Lean, c’était avec son côté obscure de la force.

La lecture a été une partie de la réponse pour continuer d’avancer sur le chemin que je venais d’emprunter. À ce moment-là, j’ai pu lire notamment Petit guide à l’usage des managers de Cécile Roche (2013, L’Harmattan), Le Management Lean de Michael Ballé et Godefroy Beauvallet (2013, Pearson), Le Lean : atouts, impacts et limites de Carine Vinardi (2013, Magnard-Vuibert), Hors de la crise 3e édition de W. Edwards Deming (2013, Economica), Le Gold Mine un récit lean de Freddy Ballé et Michael Ballé (2014, L’Harmattan) et un peu plus tard La pratique du Lean management dans l’IT de M.-P. Ignace, Christian Ignace, Régis Médina et Antoine Contal (2012, Pearson) ou encore Le système lean, penser l’entreprise au plus juste de James Womack et Daniel Jones (2003, Pearson).

Ces lectures ont eu plusieurs intérêts :

  • me confirmer que le (fake) Lean que nous subissions n’était bien qu’un exécrable ersatz dont le seul indicateur était le nombre de personnes sorties des équipes tous les mois (qui a dit Respect for People ?). Je ne parle même pas du fichier qui manipulait des dizaines de valeurs et autres complexités pour obtenir à un taux de réduction des personnes de… 20 %. Je plains encore aujourd’hui mes anciens collègues qui pilotaient ces vagues ;
  • ouvrir mon esprit (encore faut-il y être disposé) pour l’amener à penser plus loin que ce que j’avais appris dans la formation Black Belt ;
  • me forcer à confronter ce que je savais (ou pensais savoir) aux croyances d’autres personnes, qui avaient, pour moi, une certaine autorité sur le sujet ;
  • à me poser encore plus la question Comment faire ? et comment construire une démarche qui s’approche du Lean.

Certes, ces lectures, que je conseille, m’ont offert beaucoup d’opportunités pour améliorer mes connaissances et à challenger la démarche que nous voulions construire. Mais je sentais au fond de moi qu’il y avait des zones d’ombre. Cela se confirmait quand j’échangeais – via les réseaux sociaux – avec les personnes qui allaient devenir mes futurs collègues. Il y avait un écart entre ce que je pensais savoir et ce dont me parlaient ces personnes ; j’avais donc un problème sur les bras.
Le déclic a eu lieu au Lean Summit de Lyon en 2016 – au passage, je me suis battu plus de six mois avec ma direction de l’époque pour assister à ce summit alors que c’était mon travail que de déployer une démarche Lean – quand Michael Ballé a asséné à l’assemblée de lire Taiichi Ohno’s Workplace Management (oui, je sais, je radote avec cette histoire, mais elle est structurante pour moi). Trois mois après, je lisais The Toyota Way Fieldbook, a practical guide for implementing Toyota’s 4Ps de Jeffrey Liker & David Meier (2006, McGraw-Hill), puis quelques mois plus tard Le modèle Toyota, 14 principes qui feront la réussite de votre entreprise de Jeffrey Liker (2012, Pearson) et depuis j’enchaîne les lectures pour

  • continuer d’apprendre, améliorer ma compréhension et tester sur le terrain pour valider ;
  • remettre en cause (ou valider) mes propres croyances comme l’écrit Michael Ballé dans l’article cité en introduction «Si vous ne travaillez qu’à partir de votre expérience, vous ne verrez jamais au-delà de vos propres intentions et croyances profondes.»
  • passer d’un Système 1 à un Système 2 (lire Système 1 / Système 2, les deux vitesse de la pensée de Daniel Kahneman) ;
  • et continuer de douter au sens du Discours de la méthode de René Descartes (qui avait été insipide à lire quand j’étais au lycée et qui a été très instructif quinze ans plus tard) : «Et comme en abattant un vieux logis on en réserve ordinairement les démolitions, pour servir à en bâtir un nouveau, ainsi, en détruisant toutes celles de mes opinions que je jugeais mal fondées, je faisais diverses observations et acquérais plusieurs expériences qui m’ont servi depuis à en établir de plus certaines.»

Ne cherchez pas à faire de ces livres vos livres de chevet pour les lire entièrement les uns après les autres. C’est ce que je faisais au début ; depuis je les utilise comme des dictionnaires, je m’explique. Si j’ai envie de comprendre ce que les différents auteurs pensent du Kanban (par exemple), alors je sors mes livres (format papier et numérique) et je lis les chapitres / paragraphes relatifs au Kanban et je détermine l’écart entre ce que je pense savoir et ce que pensent les auteurs. Dans certains cas, je teste des propositions. Dans d’autres cas, je continue avec mes convictions (qui peut-être changeront un jour). Pour d’autres livres, je lis un ou deux chapitres (pas forcément dans l’ordre de la table des matières) et je laisse cela mûrir pendant plusieurs jours, semaines, voire mois avant de m’en servir.

Donc, oui, je ne peux qu’abonder dans le sens de l’article cité dans l’introduction et qui invite à lire – peut-être pas tous, car il faudrait probablement une vie pour le faire – les livres sur le Lean. Certains sont listés dans l’article et en complément, j’ai référencé ici les livres que j’ai lus ou que je suis en train de lire à propos du Lean ou s’en approchant. Cet ensemble n’est probablement pas la vérité, mais certainement une partie de la vérité. C’est surtout une partie de mon parcours d’apprentissage depuis plusieurs années. Mon chemin n’est pas terminé, et c’est une grande motivation !

Note : j’ai écrit que la lecture a été une partie de la réponse. En effet, la formation et la lecture ne font pas tout. Il est nécessaire de tester pour apprendre. Et j’aurais aimé avoir un coach – ne serait-ce que quelques heures par mois – pour me questionner et me remettre dans les bonnes voies, car les erreurs peuvent être très rapides et l’on risque de dévier vers un Lean plus proche du taylorisme que du Toyota Production System et le Toyota Way.

Je vous souhaite de bonnes lectures.

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